Les Recettes de cuisine de
Grand’mère ne se perdront pas...

Introduction

Dans un premier livre intitulé “Recettes santé de nos grand’mères”, Germaine Cousin-Zermatten partageait un véritable trésor : ses connaissances des recettes traditionnelles et populaires de prévention pour “soigner la santé”, méticuleusement conservées au long des ans. « Les anciennes recettes, les anciennes évidences, les gens d’autrefois n’étaient pas plus sots que nous… » remarquait justement Maurice Zermatten dans sa préface.
Aujourd’hui, et cela depuis plus de 25 ans, son fils Raymond travaille à ses côtés, afin que ce savoir populaire soit non seulement sauvé de l’oubli, mais encore qu’en soit assurée la transmission aux générations futures.
Paradoxalement, c’est en quittant le Valais que Raymond a pris pleinement conscience de la formidable richesse de ce savoir populaire. Lors d’un voyage d’une année aux États-Unis, au Nord du Mexique, à l’Est et à l’Ouest du Canada, ainsi qu’à Porto Rico, avec la curiosité et l’ouverture d’esprit d’un jeune homme de 24 ans, Raymond a approché d’autres cultures et découvert d’autres traditions. Dans les nombreux et riches contacts noués avec les Amérindiens, les Chamans et les hommes-médecines, sa réflexion a naturellement trouvé un terreau propice à son développement. C’est assurément là que sa prise de conscience puise ses racines, bien qu’elle ait mis, comme il l’avoue, quelques années à germer.
Quatre autres années, pendant lesquelles Raymond participa à des expéditions en brousse africaine en tant que cuisinier intendant, responsable des relations intérieures et extérieures, chef du personnel ou encore secouriste dans des campagnes de forage minier, lui furent particulièrement bénéfiques. À partir de la deuxième année, Raymond put d’ailleurs s’occuper essentiellement du laboratoire et de l’aspect technique des recherches, libéré qu’il fût des tâches d’intendance et de premiers secours par sa future épouse qui l’avait accompagné et mettait ainsi à profit sa formation d’infirmière.
Pourquoi aller au bout du monde chercher des trésors et des richesses partagées par toutes les traditions, d’ici comme d’ailleurs ? C’est fort de cette découverte et conscient de la valeur de ses propres racines que Raymond revient vers sa terre natale ; il participera dès lors activement au travail de sa mère.
Passionné par le domaine de la prévention depuis l’âge de 18 ans, il délaisse son métier de cuisinier restaurateur pour se vouer entièrement à la poursuite du patient travail de Germaine, l’enrichissant par les données actuelles de la phytothérapie, de l’aromathérapie, de l’oligothérapie. Dans un état d’esprit “holistique”, c’est-à-dire en prenant compte du tout, il mène une approche globale dans laquelle sont simultanément considérés corps, âme et esprit et où sont prioritairement recherchées les causes plutôt que les effets. Ainsi, dans le domaine précieux qu’est la santé, la prévention revêt une importance particulière, notamment par le biais de cures ; afin d’éviter au maximum l’apparition de troubles plus ou moins conséquents, des paramètres divers tels que les cycles, les saisons et l’hérédité sont pris en compte. Et lorsque malgré tout un traitement conventionnel chez le médecin s’impose, ces techniques prennent avantageusement le relais de la médecine, en permettant de rétablir au mieux les fonctions de l’organisme, en lui restituant ses moyens de défense naturels, en l’aidant à se désintoxiner (les toxines sont en effet des déchets produits par l’organisme que le métabolisme n’arrive plus à éliminer correctement). Dans ce sens, tradition, naturopathie et médecine conventionnelle sont parfaitement complémentaires. Toutefois, l’automédication, qui exige beaucoup de discernement, doit absolument se conjuguer avec la vigilance : on ne saurait que trop recommander de s’informer correctement et longuement auprès de gens compétents avant d’entreprendre un quelconque traitement.
Depuis quelques années, Germaine organisait, spontanément, des stages à son chalet ; mis d’abord sur pied à la demande de quelques thérapeutes désireux d’élaborer eux-mêmes leurs propres pommades, lotions, huiles de massage ou autres alcoolats (il s’agissait surtout d’amis que Germaine et Raymond avaient connus en faisant leurs brevets de masseurs sportifs en 1980), ces stages en petits groupes connurent vite, par le bouche à oreille, un succès croissant : ainsi mûrit le projet chez Raymond de s’installer à Saint-Martin afin de développer stages et livres.
Pour simplifier le travail, une distinction fut faite entre les recettes de prévention d’une part et les recettes de cuisine avec les plantes sauvages comestibles d’autre part. Ce sont naturellement les secondes qui sont au cœur de cet ouvrage.

À une époque où les familles étaient nombreuses, la maîtresse de maison veillait à avoir de quoi nourrir correctement sa famille toute l’année. Aux jardins étaient dévolus les légumes susceptibles de se conserver à la cave (tels que racines rouges, carottes, raves, choux-raves, pommes de terre, poireaux, oignons, ail, céleris pommes…), les légumes destinés à être stérilisés (haricots, laitues, côtes de bette, fèves…), ou conservés par lactofermentation (raves, choux…). Dès l’arrivée du printemps, on guettait les premières pousses de dents-de-lion, d’orties et de berces que l’on consommait en potages, légumes ou salades, et qui faisaient le bonheur des palais dans l’attente de la première récolte de légumes verts du jardin, soit, à l’altitude de Saint-Martin (1’440 m.), au mois de juillet.
Jusque-là, et surtout en mai et en juin, une multitude de recettes traditionnelles permettait de varier les menus à base de plantes sauvages. Avec l’ortie, la dent-de-lion, la berce, le silène, le rumex, le lapace, l’oseille, l’épinard sauvage ou encore la pimprenelle, on préparait des galettes, des papets, des potées, des beignets, des soupes, des gratins… Ces recettes constituaient par la même occasion une cure de printemps bienvenue après de longs mois d’hiver pendant lesquels la viande, de porc surtout, avait régulièrement figuré au menu, chaque famille ayant « fait sa boucherie ».
Dès la fonte des neiges, se montraient les premières fleurs de tussilage, suivies de la pulmonaire, de la primevère, de la violette, des bourgeons de sapin, puis des fleurs de rhododendron, du lotier, du serpolet, que l’on ramassait du printemps à l’automne pour en faire des sirops ou, après les avoir séchées, des tisanes pour l’hiver. L’été quant à lui voyait la cueillette des fraises, framboises, cerises sauvages et fruits du merisier, puis en fin de saison, des mûrons, des myrtilles, des airelles, des fruits d’arbres aussi divers que le sureau, la viorne, le sorbier des oiseleurs, l’aubépine, sans oublier les noisettes, les pives du pin d’Arolle et les baies de genièvre ; quant aux premières gelées, elles annonçaient le temps des épines-vinettes, du cynorhodon, des fruits de l’argousier et du prunellier sauvage.
Ainsi s’élaboraient dans le secret des cuisines, tout au long de la saison, gelées, confitures, sirops et liqueurs, promis aux longs mois d’hiver. Alors, pendant les veillées, tandis que les hommes décortiquaient les pives de pin d’Arolle (longuement séchées au galetas) pour en extraire les pignons ou qu’ils cassaient les noisettes, destinées à accompagner en fin de soirée un bon vin chaud, les femmes tricotaient ou crochetaient en écoutant les légendes narrées par les aînés : c’était à qui raconterait les histoires les plus effrayantes, faisant frémir femmes et enfants…
Jusqu’aux années d’après-guerre, qui virent l’abandon progressif des cultures et de l’élevage, toutes les familles du val d’Hérens ont partagé ce mode de vie rythmé par la nature et les saisons. Le confort moderne provoqua malheureusement, petit à petit, l’oubli des connaissances traditionnelles, et, force est de constater qu’aujourd’hui, hormis l’ortie, la dent-de-lion et l’épinard sauvage, les vertus et saveurs des autres plantes sauvages ont bel et bien été oubliées.
Dans ce livre, nous vous présenterons les recettes plutôt sous forme de préparations de base : elles pourront être adaptées à l’infini selon la saison et les goûts personnels. Avec un peu d’imagination, et une fois que les principes fondamentaux ont été saisis, n’importe quelle recette composée de légumes sauvages s’adaptera facilement à votre fantaisie et à votre créativité.